L’Union Nationale des Combattants, une des plus anciennes associations de notre commune.

          C’est à l’initiative de deux hommes, Georges Clemenceau, le « Père la Victoire », et le révérend père Brottier, aumônier de la Grande guerre aux multiples citations, que nous devons la création de l’Union Nationale des Combattants dont les statuts sont publiés au Journal officiel le 11 décembre 1918. La dureté de la Première Guerre mondiale a ainsi suscité le besoin de regrouper les anciens soldats dans une association qui s’est donnée  pour devise « Unis comme au front » mais aussi « Servir mais ne pas se servir ».

Le 2 février 1921 la section de Sainte-Eulalie voit le jour.  Présidée par François Boulière, elle comporte alors quatre vingt dix neuf membres. Ses principaux buts sont de rassembler les anciens combattants de 1914-1918, de perpétuer le culte du souvenir par des rassemblements patriotiques ou amicaux (fête de la société), de venir en aide aux camarades dans le besoin, aux veuves et aux orphelins de guerre … L’une des premières contributions de l’UNC de Sainte-Eulalie à la mémoire de la « der des der » est l’organisation d’une souscription publique pour édifier un monument commémoratif dans le village. Erigé en face de l’actuel bureau de poste, sur la place de la Victoire, le Monument aux Morts est inauguré le 13 août 1922 (coût total de 7617 francs dont 1000 francs financés par la municipalité).

Dressé au centre d’un carré dont chacun des angles est marqué par un énorme obus debout et relié aux autres par une fortemonument aux morts chaîne, un obélisque de granit porte les noms des habitants du village « Morts pour la France ». Aux quarante noms de la guerre de 1914-1918 s’ajoutent plus tard ceux de la guerre de 1939-1945 puis des guerres d’Indochine et d’Algérie, la section eulalienne de l’UNC rassemblant les combattants de toutes les guerres françaises.

Organisé les 3 et 4 mai 1952 à Sainte-Eulalie, le congrès départemental réunissant toutes les délégations UNC de la Gironde a accueilli un nombre impressionnant de personnalités, parmi lesquelles M.Marion, chef de cabinet du ministre des Anciens combattants, M.Rossignol, vice-président du comité national de l’UNC, M.Lahillonne,  préfet de la Gironde, Raymond Brun, président du conseil général, de nombreux sénateurs et députés dont Jacques Chaban-Delmas, ainsi que plusieurs autorités militaires tel le général Corniglion-Molinier.

Chaque année, l’UNC organise les fêtes commémoratives du 8 mai 1945 et du 11 novembre 1918 et du 5 décembre 1962 qui visent à rappeler les malheurs liés aux guerres et les sacrifices consentis par les générations qui nous ont précédés pour que nous vivions désormais libres et en paix. En effet, s’il faut se réjouir de la réduction des effectifs d’anciens combattants à l’UNC grâce à la diminution des hostilités, il convient toutefois de ne pas oublier la fragilité de la paix.

Auteur : R.Dagens

La plaque commémorative de la guerre franco-prussienne

Qui se souvient encore de ce conflit d’un autre âge qui n’est plus un enjeu de mémoire et que l’on appelle la guerre franco – prussienne ? Peu de communes ont souhaité, après la défaite de 1871 entérinée par les traités de Versailles et de Francfort, marquer leur territoire d’un quelconque monument en souvenir des 150 000 morts de ce conflit qui dura six mois. Cependant l’oubli n’était pas la règle générale dans la République naissante et le conseil municipal de « la commune de Sainte-Eulalie d’Ambarès » lors de sa réunion du 20 juin 1871 décida de prendre sur le budget des fêtes publiques la somme de 100 francs pour l’édification d’une plaque commémorative « pour les jeunes gens de Sainte-Eulalie, morts dans la guerre contre la Prusse ».

plaque commémorativeCette plaque en marbre blanc d’une hauteur de 135 cm et d’une largeur de 70 cm a été apposée contre le mur de l’église bordant l’ancien cimetière et s’y trouve encore aujourd’hui dans l’attente d’une nécessaire protection. Bien plus discrète que les monuments qui seront édifiés après la Grande guerre, elle pourrait passer inaperçue et disparaître de notre paysage comme cette guerre s’efface de nos mémoires. Pourtant, dans sa modestie même, elle révèle ce que l’histoire nationale doit à l’engagement de ses plus humbles citoyens.

La plaque comporte six noms, six destins brutalement interrompus que nous allons sortir de l’anonymat, une manière pour nous de leur rendre hommage. Trois d’entre eux sont tonneliers (Bertaud Jean, Clauzure Antoine et Heyraud Mathieu), un autre scieur de long (Caillaud Charles), un autre est vigneron (Segransan Maurice) et un seul n’a pas encore été totalement identifié (Guérin Jean). Charles Caillaud et Jean Guérin appartiennent au 25ème régiment girondin de la Garde nationale mobile. En temps normal, ils n’auraient jamais dû quitter leur département, mais l’avancée de l’ennemi sur les bords de la Loire explique que l’on fasse appel à eux dans l’urgence et l'impréparation. Sous la conduite du lieutenant-colonel D’Artigolles, ces « mobiles » vont défendre la région d’Orléans où ils trouvent la mort – sous le feu pour Segransan Maurice, 30 ans et de dysenterie pour Guérin Jean, 34 ans - à la fin de l’année 1870. Un court poème d ’Eugène Pottier, l’auteur de l’Internationale, immortalisa le rôle des « mobiles » qui se battirent avec courage mais sans moyens, donnant ainsi l’image d’une défense populaire plus glorieuse que celle des armées impériales qui capitulèrent à Sedan en septembre 1870 :

 

                                             "Jeunesse héroïque,
                                                          Arme ton flingot,
                                                          Pour la République,
                                                         En avant Moblot"

 

Pour leurs quatre compagnons d’infortune, recrutés dans l’armée régulière, c’est autant la guerre que la maladie qui vient les faucher. Antoine Clauzure, 21 ans, décède à l’hospice de Vierzon en février 1871 et Mathieu Heyraud, 25 ans, meurt d’une bronchite aiguë en septembre de la même année à l’hospice de Billom dans le Puy-de-Dôme, après la fin des hostilités. Quant à Charles Caillaud, 25 ans et Jean Bertaud, 21 ans, nous supposons, pour le moment, qu’ils sont morts au combat faute de plus amples renseignements.

Ces six morts représentent environ 10 % de la population mâle de Sainte-Eulalie âgée entre 21 et 40 ans en septembre 1870 et susceptible de rejoindre les gardes mobiles pour participer à une guerre qui mit fin à l’empire de Napoléon III et permit la naissance de l’Empire allemand de Guillaume 1er et de la IIIème République française.

Auteur : Heinrich Francis

                  Une oubliée : la Société scolaire et postscolaire de tir de Sainte-Eulalie

            diplôme Société de tirAu hasard de nos recherches, nous avons eu la chance de trouver, dans le grenier de la mairie, un vieux cadre contenant un diplôme de l’Union des Sociétés de tir de France (USTF) reconnaissant comme un de ses membres la Société de tir de Sainte-Eulalie. Daté de 1911 et signé du président de l’USTF, Daniel Mérillon, ancien député de la Gironde, ce diplôme richement décoré révélait à notre connaissance l’existence d’une association communale jusque là inconnue et sortie de la mémoire villageoise.

            Ce sont les Archives départementales de la Gironde qui nous permirent d’en apprendre davantage. Afin de satisfaire aux exigences des instructions d’avril 1907 sur les sociétés de tir et du 7 novembre 1908 sur la préparation militaire, une « société scolaire et postscolaire de tir » fut créée à Sainte-Eulalie en 1909. Elle déposa une demande d’agrément auprès du ministère de la Guerre et la procédure réglementaire voulut que le préfet de la Gironde diligenta une enquête pour connaître les « buts réels » et « les tendances » des membres de cette société.

            Le commissaire spécial chargé de cette besogne, dans son rapport du 2 juin 1909, précisa que « la société scolaire et postscolaire de tir de Sainte-Eulalie a pour but d’enseigner le tir aux jeunes gens, de les accoutumer aux fatigues de la marche et de les préparer au service militaire ».  Il émet un « avis favorable » pour l’agrément ministériel de la société, avis conforté par celui du préfet qui précise dans sa lettre à la présidence du Conseil datée du 1er juillet que « son fonctionnement est des plus réguliers et des plus actifs. Le bureau de cette association est composé de personnalités républicaines ». Dans ces mêmes documents nous apprenons que cette société de tir « fait partie du groupement de la 2ème circonscription d’inspection primaire » dont l’Inspecteur primaire, M. Lomont, est lui-même un « excellent républicain ».

             A travers ces quelques lignes nous devinons quelques uns des tenants de la création de telles sociétés au début du XXème siècle. Selon le ministre de l’Instruction publique, des Beaux-Arts et des Cultes, Aristide Briand, « au moment où la réduction du service militaire (de 3 à 2 ans) exige plus que jamais, des jeunes soldats, des aptitudes et des qualités d'adresse préalablement acquises, il est de l'intérêt du pays que se multiplient les sociétés scolaires et postscolaires de tir… ». Mais le gouvernement de la IIIème République veille à ce que cette préparation au nouveau brevet d’aptitude militaire soit non seulement patriotique mais avant tout républicaine. Plus que de revanche contre l’Allemagne après la défaire de 1870, il s’agit là de consolider le socle qui soutient la nouvelle République forgé à partir des lois scolaires de Jules Ferry, de la loi sur les associations de 1901 et de la loi sur la séparation des Eglises et de l’Etat de 1905.

            Auteur : Heinrich Francis

          Petite histoire de la vigne à Sainte-Eulalie (1)

            Bien que relativement ancienne dans le Bordelais où sa culture fut introduite vers le IIème siècle, la vigne reste une culture très marginale à Sainte-Eulalie jusqu’à la seconde moitié du XIXème siècle, période où la commune se spécialise dans cette production. L'ouvrage Bordeaux et ses vins publié par Charles Cooks aux éditions Féret ne mentionne que 40 propriétaires viticoles en 1868, mais ils sont 87 à être répertoriés en 1908. La même année, l’enquête agricole montre que 69,3 % du territoire communal eulalien est dédié à la culture de la vigne qui occupe plus des 3/4 des terres cultivées alors qu’un siècle auparavant les cultures étaient davantage diversifiées, une part importante étant réservée aux céréales pour l’alimentation humaine et animale.

           vendanges 1930  A partir des années 1850, quelques grandspropriétaires s’engagent dans la modernisation des cultures et des procédés devinification : c’est notamment le cas de la famille De Sonneville souventprimée pour la qualité de ses vins, la tenue de son vignoble (l’un des premiers à introduire le fil de fer) et la modernité de ses chais (grue, wagonnets pour transporter la vendange, pressoir mécanique…). Dans son livre de 1868 qui recense les châteaux historiques et viticoles de la Gironde, Edouard Guillon signale que Sainte-Eulalie est une commune majoritairement plantée en vignes qui produit entre 1000 et 1200 tonneaux annuels avec un rendement à l’hectare variant de 15 à 18 barriques.

            Cette production n’est pas sans aléas comme en témoignent les délibérations du conseil municipal : les années 1846 et 1847 sont des années de grêles ; l’année 1854 est la seconde année déclarée sans récolte de vin ou presque ; en 1909, les propriétaires déplorent des difficultés à vendre leur vin tandis qu’en 1933, le conseil municipal se plaint de la loi sur la piquette qui modifie les usages locaux. L'arrivée du phylloxéra en 1864 fut aussi un coup dur ainsi que le montre la situation du château Bellassise où 40 hectares de vigne à vin rouge furent dévastés, ce qui incita par la suite son propriétaire à s’orienter vers une superficie plus réduite plantée de vignoble blanc. La délimitation des appellations est aussi discutée puisqu’en 1937, la commune est exclue de l’appellation Premières côtes de Bordeaux, reconnaissance qu’elle obtient finalement en 1943 après plusieurs réclamations. Il faut aussi se souvenir qu’une délibération municipale du 21 mai 1872 proclame la suppression de la mention « d’Ambarès » jusqu’alors accolée au nom de Sainte Eulalie sous prétexte que les vins de palus (les marais) sont de moindre qualité que les vins issus des terroirs argilo graveleux de notre commune.

            Auteur : Muriel Dagens